Sociocratie et qualité totale

Par Gilles Charest, Mba

SOCIOCRATIE ET QUALITÉ TOTALE

Qu’est-ce qui distingue la sociocratie des démarches dites de qualité totale ou intégrale ?

Plus de 80% des programmes d’amélioration de la qualité qui ont démarré en Europe et en Amérique depuis 1980 ne donnent pas les résultats escomptés. Pourquoi ? Ce n’est sûrement pas à cause d’un manque d’intérêt pour la qualité ou d’un manque d’outils techniques pour réaliser ces programmes.  À notre avis, deux raisons expliquent ces échecs.

Premièrement, ces programmes ne font pas réellement partie de la stratégie d’affaires de l’entreprise. Ils sont vus comme un moyen de se sortir d’une situation difficile telle qu’un marché qui s’effrite, des rendements qui s’amenuisent. La direction ne comprend pas, qu’avant d’être une technique, la Qualité est d’abord un état d’esprit. Elle se laisse alors séduire par l’outil et oublie, dans le feu de l’action, que cet outil exige un changement fondamental au niveau du mode de gouvernance.

Deuxièmement, dans la structure hiérarchique traditionnelle, les employés n’ont pas le pouvoir réel de s’améliorer.  La mise en place de cercles de qualité et de cercles de pilotage sont des tentatives maladroites pour remédier à ce problème. On aura beau créer toutes sortes de structures parallèles pour s’opposer au pouvoir de la ligne hiérarchique, tant qu’on n’aura pas compris qu’il faut changer la structure de communication et de prise de décisions, cette structure reprendra ses droits, à brève échéance, et annulera les effets temporaires de tout programme d’amélioration de la performance.

Une fois de plus, la structure traditionnelle, utile lorsqu’il s’agit de diriger l’entreprise, est inappropriée pour prendre des décisions qui impliquent tous les employés. Aucun des prétendus   programmes d’amélioration continue de la performance ne donnera les fruits escomptés si les règles de fonctionnement qui soutiennent les valeurs à la base de ces systèmes de gestion ne sont pas modifiées.

Le comportement des employés est bien moins affecté par les valeurs qui prônent l’importance   de la qualité des services que par les règles de fonctionnement souvent inconscientes qui conditionnent l’exercice du pouvoir.

On oublie trop souvent que derrière la Qualité à la japonaise, il y a le Kaisen, une philosophie de gestion qui encourage la participation et le contrôle de la production par les employés eux-mêmes.

L’amélioration réelle d’un processus exige que l’employé participe au contrôle de son activité, qu’il connaisse à fond tous les rudiments de celle-ci, les raisons de la faire et la valeur qu’elle ajoute au processus. Il faut aussi qu’il puisse réfléchir sur les moyens de l’améliorer, échanger sa perception aussi bien avec ses confrères qu’avec la direction, comparer ses résultats et, enfin, qu’il puisse influencer ce processus par ses suggestions et ses propositions.

Les 4 règles de la Sociocratie donne aux employés le pouvoir de s’auto-organiser en vue de prendre leur destinée en main. Dès qu’un groupe acquiert ce pouvoir que possède tout organisme vivant, c’est-à-dire celui de se développer et de se reproduire, il fait preuve d’une créativité surprenante pour concrétiser son idéal d’auto-organisation. Tout se passe comme si en s’inscrivant dans la nature du vivant, le cercle en empruntait tout naturellement le rêve. Il devient possédé par la fureur de se dépasser et d’aller toujours plus loin.  Il faut donc considérer le cercle sociocratique comme un pré requis culturel à l’implantation de la Gestion Intégrale de la Qualité.    En tout cas, c’est ce que les expériences en cours chez nos clients tendent à démontrer.

La Sociocratie nous apparaît donc comme pré requis à l’implantation d’une démarche d’amélioration continue. C’est une méthode de gestion qui part du principe suivant:  les employés vont s’impliquer dans une démarche d’amélioration continue si on leur garantit un pouvoir équivalent à celui des cadres et des actionnaires dans le processus décisionnel. La Qualité Intégrale, telle que vécue dans plusieurs organisations s’appuie sur un autre principe : les gens vont s’impliquer dans une démarche d’amélioration continue si on leur donne les connaissances techniques pour le faire. C’est faux. En fait, seul l’illusion d’un nouveau pouvoir peut les motiver pour un temps à s’embarquer dans ces démarches. Dans les faits, le pouvoir reste dans les mains des actionnaires et des gestionnaires.  Tôt ou tard, les employés le découvrent.

Voici une comparaison des deux approches pour aider le lecteur à saisir comment la sociocratie peut bonifier les approches qualité.

  • La qualité
  • 1. Mobilise l’intérêt sur les processus internes
  • 2. Met l’accent sur les techniques d’analyse de résolution de problèmes.
  • 3. Obsédé par l’excellence à tout prix.
  • 4. Exige une structure parallèle de gestion de la qualité.
  • 5. Développe une bureaucratie lourde et coûteuse.
  • 6. Se préoccupe des standards, des spécifications.
  • 7. Délègue la qualité à des groupes d’amélioration et à des experts
  • 8. Ne demande pas de changements dans le mode de gouvernance et n’induit pas de changement significatifs dans le rapport du capital et du travail
  • 9. Ne requiert pas de changements dans le système d’évaluation et de rémunération.
  • 10. Encourage la pensée magique, le recours aux recettes miracles et aux solutions rapides.
  • 11. Fait appel à la raison avant tout.
  • La sociocratie
  • 1. Mobilise l’intérêt sur les résultats externes
  • 2. Met l’accent sur le développement des habiletés de communication.
  • 3. Déterminé à bien faire la bonne chose.
  • 4. Intègre la Qualité aux opérations de l’unité de travail.
  • 5. Encourage la simplicité et la souplesse.
  • 6. Se préoccupe des besoins du client.
  • 7. Délègue la responsabilité de la Qualité au cercle sociocratique.
  • 8. Exige un changement dans le mode de gouvernance et change à terme le rapport entre le travail et le capital
  • 9. Requiert un changement significatif dans le système d’évaluation et encourage le partage des profits.
  • 10. Valorise l’engagement, le courage, la confiance et l’amour du travail.
  • 11. Fait appel aussi à l’intuition.